Vire vole, vire vole, voici le petit virevoltant.
Il vient de l'ouest, mais il ne sait pas où il s'en va. Seul le vent le sait. Le vent est un rustre, se dit le petit virevoltant, il ne me laisse pas me reposer !
Vire vole, vire vole, le petit virevoltant.
« Hé ! » crie le petit virevoltant aux hommes avec les grands chapeaux noirs. « À l'aide ! Au secours ! Attrapez-moi ! » Hélas ! Il n'y a rien à faire : les deux hommes s'hypnotisent l'un l'autre. L'homme avec la grosse barbe noire regarde celui avec l'étoile dorée sur sa poitrine en clignant nerveusement des yeux. C'est le temps de la confrontation. Ils n'entendent rien d'autre que leurs cœurs battants. « À l'aaaiiiiiiiiiideee ! » hurle le petit virevoltant alors que le vent le trimballe avec ses grandes mains d'air de rien. Il culbute et rebondit plus loin, loin de tous les regards. Il entend le coup partir, mais il ne sait pas qui a gagné.
Vire vole, vire vole, à travers le Far West.
À présent le petit virevoltant culbute dans la cour d'une maison de bois. « Est-ce vrai ? » demande la femme à l'homme, et dans sa voix se mêlent tristesse et mépris. Ils se taisent tous deux alors que le petit virevoltant vire et vole près d'eux. Les gens se taisent toujours quand il approche, comme si son passage était un intermède sacré. Le petit virevoltant renouvelle ses prières, il désire qu'on l'aide à résister au vent. Il aimerait bien rester avec eux, au lieu de continuer à culbuteerrrrr…
Vire vole, vire vole, le petit virevoltant.
Deux jeunes hommes sont face à face. C'est un duel. Les hommes feront-ils jamais autre chose ? se demande le petit virevoltant, et l'espace d'une culbute sur le sable chaud il les imagine virant et volant comme lui, poussés par une autre sorte de vent, mais aussi implacable.
Le premier homme est dur comme l'acier, fait de certitudes et de convictions. Le second est fait de doute. Le premier pense : je vais gagner. Le second pense : est-ce que c'est vraiment nécessaire ? « Au secours ! » supplie le petit virevoltant. « Virer et voler n'est pas une vie pour moi ! » Étrangement, cette fois-ci, le vent accepte de porter la voix du petit virevoltant jusqu'aux oreilles des jeunes hommes. Celui qui est fait de doutes se détourne, étonné, et il a une soudaine envie d'aller attraper le pauvre petit virevoltant.
Et puis BANG ! Une balle vire et vole à travers la poitrine du jeune homme alors même qu'une volute de fumée s'échappe du baril du fusil de l'autre. Le jeune homme s'effondre. Il est mort.
« Vois-tu », dit le vent au petit virevoltant, « ce qui arrive quand les gens pensent à t'aider ? »
Vire vole, vire vole, jusqu'à la fin des temps.