Sa Dysonneté

Sophie Breuleux
le 10 mars 2016

Il fait beau, mais le ciel est tout brun : ils ont pas mis en marche le Ventilatout. J’aime le Ventilatout, il rend le ciel tout bleu, et là il est tout brun et il fait mal à ma gorge. Je vais me tourner vers maman, elle a peut-être de l’eau. « Maman tu as l’eau ? »

Elle fait la baboune en cherchant dans sa sacoche, c’est pas du gagné. « Tiens mon chéri », qu’elle me dit quand elle trouve enfin l’eau dans son sac. Il faut pas que j’oublie de la remercier. « Merci, m’man. »

L’eau soulage un peu ma gorge, mais j'ai hâte de retrouver Hubert. C'est notre gros humidificatout à’ maison ! Je regarde le podium où sont les « mal-fait-eurs », comme dit maman. Des saletés que moi je dis ! Des en'midupeup’ ! Je leur crierais ce que je pense si j’avais moins mal pis ça serait pas du joli joli.

Djvoooooooooommmmm ! J'entends sa Dysonneté qui arrive ! Il roule jusqu’à la scène et il nous salue. Il lève son long manche, qui finit par un sèche-main, et plus personne dit rien. Il nous dit : « C’est avec regret que j’annonce l'annulation de la garantie à vie de plusieurs éléments défectueux. Modèle Amélie Rondeaux. Vous êtes coupable de manque de propreté. » La première saleté s’avance, pis elle lui crache sur les roues ! Pas de doute qu'est coupable, elle !

« Vous êtes condamnée à la suffocation par sac. », dit sa Dysonneté. Un grand aspirateur roule jusqu’à eux et s’ouvre, et on peut voir ses entrailles dégueues : de la poussière, des grains de riz, des sciures de bois, des bouts de papier, des épluchures de crayon… ouache ! La foule crie d’horreur, pis moi en premier. La femme se couche dans les déchets, pis elle pleure comme un crocodile. L’aspirateur se referme, pis il reste devant nous pour notre plus grand plaisir. On peut voir la mal-fai-teur-e dedans. J’ai hâte de parier sur combien de temps qu’elle prendra à manquer d’air avec les copains.

« Modèle James O’Neill. Vous êtes coupable d’avoir abrité des allergènes. » dit sa Dysonneté. « C’était juste un petit chaton ! », que la saleté ose répondre en allant devant lui. « Le manche coupable sera purgé. » tranche sa Dysonneté. C’est généreux comme peine, j’suis déçu. J’ai peur qu’il récidive. Notre Maître prend sa main dans son gros sèche-mains. Zing ! Un couteau sort du sèche-mains et pis la main coupable tombe à terre. Tout le monde est bouchebée, personne a jamais vu un sèche-mains comme ça. Moi j’ai hâte qu’on en aie un à la maison, ça va me faire une bonne guillotine pour les poupées à ma sœur !

« Modèle Jacques Briant. » La dernière saleté se traine jusqu’à sa Dysonneté, mais, pris de peur ou j’sais pas quoi, part à courir. J’avance la tête pour mieux voir ce qui s'passe, mais il est pas assez vite pour le grand pouvoir d'succion brev'té de sa Dysonneté. Il est 100% immobile et sa Seigneurie roule jusqu'à la mocherie. « Vous êtes coupable de puanteur anormale, additionné de désobéissance crasse. Que votre carte mère repose en paix. »

L'aspiratout enclenche la vitesse supérieure, et il est aspiré tout cru. C’est déjà tout pis tout le monde applaudit. Le ventilatout repart. Fiou ! Il fait déjà moins brun. C’était juste pour nous mettre en haleine alors. Je savais aussi que le ventilatout ne pouvait pas être en panne ! Sa Dysonneté l’aurait pas permis. On va retourner à la maison pour le goûter, et peut-être qu’on pourra aller voir les gerbilles de la voisine se faire centrifuger, ça s'rait chouette.


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